Un article intéressant de Flavia Mazelin Salvi
Pour accéder à une vision plus réaliste des choses, Frédéric Fanget, psychiatre et psychothérapeute, propose de bien comprendre notre « voix intérieure critique » puis de lui faire passer un « interrogatoire »... Autodépréciation, rumination négative, anticipation anxieuse et autres idées noires se manifestent très banalement sous la forme de petites phrases, « mantras » que l’on se dit à soi-même, ou de réflexions à peine perceptibles. Pour la psychologie cognitive, qui étudie les pensées et les croyances, ainsi que leur impact sur nous, c’est le fruit de ce qu’elle nomme les « schémas cognitifs ». Ils sont constitués de croyances de base, souvent inconscientes, qui forment un filtre par lequel nous interprétons la réalité. Lorsque l’un ou plusieurs d’entre eux sont négatifs, ils produisent des « distorsions cognitives », qui vont conditionner la façon dont nous allons faire des choix et entrer en action ou en relation. « Ces schémas dysfonctionnels produisent de la négativité, qui se manifeste par un déficit d’estime de soi, une inhibition de l’action, de l’anxiété, jusqu’à la dépression, explique Frédéric Fanget. C’est pourquoi il est essentiel d’en prendre conscience en repérant en soi le mécanisme de croyances qui produit la pensée négative. » Dans cette perspective, il ne s’agit évidemment pas de faire la promotion d’une positivité béate et de diaboliser la tristesse, les accès de colère, ou encore de nier la réalité et l’impact des événements négatifs, « mais de sortir, par un travail de conscience en deux temps, d’un système de pensées et d’émotions toxiques : d’abord, comprendre son mécanisme de croyances puis remplacer la négativité stérile par un réalisme fécond ». Six façons de se faire du mal En 1967, le psychiatre américain Aaron Temkin Beck définit le concept de « distorsion cognitive » comme une façon d’évaluer les situations et les relations à partir d’un filtre erroné, ce qui produit pensées et émotions négatives. Le courant français de la psychologie cognitive en retient classiquement six, connues sous l’acronyme « grimpa ». G comme généralisation : tirer une conclusion générale à partir d’un événement ponctuel. Exemple : j’ai raté mon examen, je les raterai donc tous. R comme raisonnement dichotomique : évaluer et envisager les situations et les relations seulement à partir de deux critères excessifs et opposés, bien ou mal, jamais ou toujours, tout ou rien, noir ou blanc, etc. I comme inférence arbitraire : tirer une conclusion négative à partir du seul élément que l’on possède. Exemple : il ne m’a pas appelé comme promis, il n’est pas fiable ou je suis le cadet de ses soucis, etc. M comme maximalisation du négatif et minimisation du positif : ne retenir que le négatif, en minimisant, voire en occultant, le positif. Exemple : j’ai passé une semaine de vacances exécrable (alors qu’il est impossible qu’il n’y ait pas eu de bons moments ou des moments neutres). P comme personnalisation : se sentir responsable des événements et du comportement des autres. Exemple : ma fille a raté son examen, j’aurais dû être plus ferme ou plus présent, etc. A comme abstraction sélective : ne retenir et ne se fixer que sur l’élément négatif d’une situation ou d’une relation. Exemple : je n’ai pas su répondre à une question lors de mon concours, j’ai donc fait une mauvaise prestation et je ne serai pas admis. Exercice 1 : J'identifie mes croyances Je repère l’émotion-symptôme Gorge nouée, état nauséeux, agitation physique, sensation d’oppression, palpitations... Les pensées négatives génèrent des émotions de même nature, lesquelles se traduisent immédiatement par des sensations corporelles. Elles sont le symptôme d’un dysfonctionnement de notre système de pensée, raison pour laquelle, plutôt que de les fuir, il est important de les ressentir pleinement. Je remonte à l’événement déclencheur Je revis la situation qui a généré l’émotion négative. Les yeux fermés, je m’immerge dans la scène en recueillant toutes les informations disponibles : mon état d’esprit, le contexte, les personnes présentes, les phrases échangées, les pensées et émotions qui m’ont traversé à ce moment-là... J’écoute ma voix intérieure critique (VIC) Je choisis la phrase qui résume mon sentiment et ma pensée négative dominante : je me sens exclu, j’ai été nul, on ne m’aime pas, etc. Cette voix intérieure critique est basée sur une ou plusieurs distorsions cognitives. Je mets au jour ma règle de vie C’est elle qui, plus ou moins consciemment, détermine nos choix, nos actions et nos modalités relationnelles, elle également que la voix intérieure critique exprime de manière négative. Exemple : si ma VIC me répète régulièrement « on ne m’aime pas », il y a de fortes chances pour que ma règle de vie soit « je dois me faire aimer pour être heureux ». Je recherche son origine Deux pistes sont à explorer en se questionnant : qu’est-ce qui, dans mon passé, m’a donné l’impression qu’a priori on ne m’aimait pas ou pas assez ? Est-ce que la règle de vie « on doit se faire aimer pour être heureux » était aussi celle de ma famille et comment s’exprimait-elle ? Ces deux registres d’introspection permettent de comprendre où s’enracinent et comment se déploient nos croyances. Les appréhender en tant que systèmes nous aide à comprendre que justement ils ne sont que des convictions, et non la réalité. Exercice 2 : Je reviens à la réalitéIl est essentiel de redire qu’il ne s’agit pas de pratiquer l’exorcisme de la négativité par le déni ou par la pensée magique, mais de déconstruire un système de croyances erronées pour le remplacer par une pensée réaliste qui nous redonne notre place de sujet. Je me décentre Sur une feuille de papier, j’écris « ma croyance », suivie de ma pensée négative récurrente ou celle du moment (exemple : « on ne m’aime pas »). Cette prise de distance symbolique permet de se dissocier de sa pensée, de ne plus faire corps avec elle. Je fais passer un interrogatoire à ma VIC Je pars de ma croyance négative puis je me mets dans la peau d’un détective obstiné qui mènerait son interrogatoire sans se laisser bluffer ni intimider. « On ne m’aime pas. — Quelles preuves as-tu ? — On m’ignore. — Qui t’ignore ? Tout le monde sans exception ? » Et ainsi de suite. Je poursuis l’interrogatoire en m’aidant de la liste des distorsions cognitives jusqu’à ce qu’apparaissent des éléments positifs, des nuances, des alternatives et la possibilité de modifier mon positionnement. Je cultive le réalisme La réalité n’est pas faite d’un bloc, positif ou négatif, seules nos croyances peuvent l’être. Chaque généralisation négative doit donc être déconstruite de manière à intégrer des contrepoints positifs ou neutres pour obtenir une vision plus réaliste et plus objective d’une situation ou d’une relation. Dans cet esprit, il est utile de prendre conscience qu’il y a toujours deux faces à une médaille. Face négative : je ne suis pas à la hauteur. Face positive : je suis exigeant. Car, même s’il est excessif, ce sentiment part d’une exigence qui en soi est positive. À ma charge, pour avancer, de transformer celle-ci, excessive, en une plus réaliste. Le changement n’est véritablement satisfaisant que s’il est précédé ou accompagné d’un changement intérieur : une forme de libération rendue possible au prix, parfois, d’un travail thérapeutique. « Changer, affirmait encore J.-B. Pontalis, c’est d’abord changer de point de vue sur soi, sur les autres. Et cette mutation fait que, percevant le monde autrement, on y vit différemment. » Mais il ne s’agit pas seulement de changer « contre » quelque chose qui nous fait souffrir. Il convient aussi de s’interroger sur le « pour » : qu’espérons-nous atteindre par le changement ? Pour le philosophe Robert Misrahi, « notre désir le plus profond est un désir de joie ». Or nous ne le prenons pas au sérieux, car nous avons appris à voir en lui un manque qui ne peut jamais être comblé. À l’opposé du bouddhisme, qui prône une extinction du désir, Robert Misrahi invite à le réhabiliter. Car il est l’essence même de notre dynamisme, ce qui nous attire vers l’avenir et nous mène aussi bien à des assouvissements élémentaires – étancher sa soif, parvenir au terme d’un voyage – qu’à un bonheur plus substantiel, lorsque notre être s’épanouit pleinement. Cette joie, prévient le philosophe, ne nous est accessible que si nous opérons trois « conversions intérieures ». La première est de cesser de croire que nous sommes le résultat d’un déterminisme – le jouet de notre inconscient, le produit d’un système : nous sommes aussi source de liberté. La deuxième est de cesser de voir en l’autre un instrument ou un maître, et d’établir avec lui des relations de réciprocité qui permettent l’accomplissement de chacun. La troisième, enfin, est de comprendre que notre vie se passe entre la naissance et la mort. « Le bonheur, écrit-il, ne peut pas être simplement défini comme un regard rétrospectif sur nos vies. Il doit être une expérience au présent, une joie active, une création de chaque instant. » Certains supportent mal la tranquillité d’une maison de campagne quand d’autres utilisent la télé comme une berceuse pour s’endormir.
« Ce bruit de fond rassure en reprenant la façon dont notre entourage s’adressait à nous lorsque nous étions petits : une voix douce, un tempo régulier, des mots répétitifs », remarque Mireille Tardy. « L’absence de sons nous confronte à notre intériorité, et beaucoup craignent ce qui peut en émerger : colère, tristesse, frustrations… poursuit Marie Romanens. Cela renvoie à nos peurs archaïques, au sentiment d’insécurité de base, à la solitude, à l’abandon, à la finitude. Cela peut générer une véritable angoisse d’anéantissement pour ceux qui n’ont pas connu une mère “suffisamment bonne” », selon l’expression du pédiatre et psychanalyste britannique Donald Woods Winnicott. C’est d’ailleurs ce face-à-face inconfortable avec le silence qu’utilise la psychanalyse pour accéder à l’inconscient, libérer la parole et nous conduire sur le chemin de l’autonomie psychique. Si vous croyez encore que l'écriture poétique n’est que beau langage, agencement esthétique de mots, passez votre chemin.
Ceux qui la lisent, tout comme ceux qui l’écrivent, savent combien cet art puissant est transformateur, et parfois même guérisseur. C’est l’expérience que j’en ai moi-même, qui ai rencontré la plus petite poésie codifiée au monde, le haïku, il y a une douzaine d’années. J’étais alors dans une période charnière de ma vie, en rupture professionnelle, et accablée par un diagnostic médical peu réjouissant. Lire les maîtres japonais de cette petite poésie (Bashô, Issa, Shiki…) m’a sorti la tête hors de l’eau. Propos écrits par Pascale Senk. « Je ne crois pas que la psy soit efficace » figure parmi les trois raisons principales de ne pas s’en remettre à elle (17 %). Or, la plupart des personnes interrogées confient que cela les a réellement aidées (30 % « beaucoup », 31 % « assez » et 25 % « un peu »). Parmi les bénéfices, elles estiment aller mieux (38 %), avoir acquis un regard différent sur leur vie (33 %), avoir davantage confiance en elles (16 %), moins d’angoisses (16 %). Une amélioration de l’existence de nature à faire rêver les 25% que la psy a juste un peu aidées et les 13 % qu’elle n’a pas du tout aidées.
Comment expliquer les ratés ? Avant de consulter, il est important d’avoir conscience que ce n’est pas un médicament : la durée, la fréquence des séances sont des facteurs importants et les résultats ne sont ni immédiats ni garantis. Ce n’est pas une science exacte, l’affectivité y joue un rôle capital. Il convient de trouver « son » thérapeute. Une mauvaise relation ou un lien trop passionnel empêcheront tout progrès. Et il faut oser le quitter quand la thérapie s’éternise. Ensuite, le meilleur ne peut que nous aider à devenir nous-mêmes. À trop espérer, nous courons au-devant des désillusions. Et toutes les techniques thérapeutiques ne se valent pas, certaines nous « parlent », d’autres non. Peut-être y aurait-il moins de déçus si nous rejetions définitivement la vieille image du psy maître redoutable, détenteur d’un savoir sacré, pour devenir des « usagers » de la psy, conscients de ce qu’ils attendent de leur thérapie (un mieux-être, la résolution d’une difficulté, moins d’angoisse, etc.) ? C’est-à-dire des individus responsables qui, bien qu’ils demandent de l’aide, n’oublient pas de prendre leur vie en main. article écrit par Isabelle Taubes |
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