Il me semble essentiel que nous puissions avoir des informations sur un phénomène que j'ai pu observer auprès de plusieurs patientes. "Confident, messager, surveillant, soignant… Un enfant peut-être chargé par ses parents de différents rôles qui lui font endosser un costume trop grand pour lui et viennent troubler son équilibre. Ce phénomène de parentification de l’enfant, identifié de longue date par les thérapeutes, reste encore méconnu car ses formes sont nombreuses et différentes. La « parentification ». Encore un terme moderne et compliqué au sens un peu confus ? Il n’en est rien puisqu’une première définition de ce concept apparaît en 1973 sous la plume des psychiatres Iván Boszormenyi-Nagy et Geraldine M. Sparks, dans leur ouvrage Invisible loyalties (Routledge) : « La parentification est une distorsion subjective des relations quand l’un des deux partenaires, souvent un enfant, devient un parent pour l’autre. » Ce concept va prendre de l’importance, notamment aux Etats-Unis, et sera défini plus précisément en France en 1999 par le psychiatre Jean-François le Goff dans son ouvrage L’Enfant, parent de ses parents (L’Harmattan) comme « un processus relationnel interne à la vie familiale qui amène un enfant ou un adolescent à prendre des responsabilités plus importantes que ne le voudraient son âge […] » Les différents travaux menés sur ce sujet depuis les années 2000 invitent à considérer le phénomène de parentification comme quelque chose de complexe, souvent involontaire de la part des parents mais rarement inconscient. Il y a toujours quelque chose qui se joue à travers cette dissension des rapports parents-enfants. Yves Ulmann, psychothérapeute, le confirme : « Le parent a souvent conscience de donner à son enfant un rôle d’adulte, mais il ne mesure pas vraiment ce qu’il fait, il n’a pas vraiment conscience de ce qu’il produit. » L'enfant confident, l'enfant bon copain Pour mieux comprendre comment se déploie le phénomène de parentification, le psychothérapeute relate trois cas cliniques rencontrés dans son cabinet « Bien sûr, personne ne vient me voir en disant : « J’attribue à mon enfant un rôle qui n’est pas le sien ». Généralement, les parents viennent me voir car ils trouvent que leur enfant ne va pas bien ou que son comportement a changé. » Yves Ulmann indique que, le plus fréquemment, c’est lors d’une séparation ou d’un épisode de conflits parentaux que le rôle de l’enfant peut changer et que celui-ci peut faire office d’intercesseur ou de confident. « Ces deux rôles existent aussi en dehors des conflits parentaux, mais lors de disputes récurrentes ou d’une séparation, l’enfant peut servir de relais de transmission entre les deux partenaires : « Tu diras ça à ta mère … Tu diras à ton père que… » Cela peut même aller jusqu’à un rôle de surveillance : « Est-ce que ta mère voit quelqu’un ? … Qu’est-ce que ton père a fait ? » « L’enfant peut aussi devenir le bon copain ou la bonne copine, comme cet homme séparé qui demandait à ses enfants de 9 et 12 ans de valider ses choix sentimentaux. Il ramenait régulièrement des femmes rencontrées sur des applications de rencontre à son domicile pour avoir l’avis de ses enfants à leur propos. Un peu comme s’il leur demandait de ratifier ses choix sentimentaux ou sexuels », détaille le psychothérapeute pour indiquer jusqu’où la parentification peut se jouer. Dans une même veine, « cet autre homme qui, après s’être séparé de sa femme, avait refait sa vie avec un homme et demandait à ses enfants d’applaudir des deux mains, sans même leur laisser le temps d’encaisser d’un côté la séparation, et de l’autre, l’annonce de son homosexualité. Il souhaitait sincèrement que ses enfants soient heureux pour lui et que tout soit clair pour eux, mais à aucun moment il ne s’était demandé comment eux, en tant qu’enfants, pouvaient vivre tout cela. » L'enfant thérapeute, l'enfant soignant Intercesseur, confident, ami… La parentification de l’enfant peut aussi se jouer sur le mode soignant « J’ai eu le cas de cette mère qui supposément atteinte de problèmes fonctionnels, alors que son tableau clinique laissait penser à une dépression nerveuse, ne pouvait pas se lever de son lit. Elle hurlait depuis sa chambre ses besoins à ses enfants âgés de 12 et 14 ans. Et lorsque ces derniers ne répondaient pas assez vite, elle les faisait culpabiliser en leur disant qu’elle souffrait, qu’elle avait besoin de leur aide, qu’elle ne pouvait vivre sans leur soutien… Le fardeau qui pesait sur leurs épaules est simple à imaginer… » Autant d’exemples troublants de ce phénomène de parentification qui peut se jouer sur de nombreux modes très différents, comme l’indiquait Jean-François le Goff dans Thérapeutique de la parentification : « Pour reconnaître la parentification d’un membre d’une famille, il faut tenir compte de la variété de ses aspects cliniques. En effet, la parentification ne se réduit jamais à la question de l’hypermaturité de l’enfant comme résultante de l’immaturité de ses parents; elle prend des formes variées en fonction de la configuration spécifique du contexte familial et des relations intergénérationnelles. » Article de Lucien Fauvernier dans Psychologie sorti le 06 août 2020 à 17:29
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AuteurElisabeth BAZIN, Archives
March 2025
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