C’est le propre de la phrase spéculative de se renverser : le fini et l’infini passent l’un dans l’autre. Mais Dieu et le diable ne permutent pas, sauf comme puissances mythiques, c’est-à-dire esthétiques. Si la lumière sort des ténèbres, c’est la lumière qui nous fait connaître la ténèbre, c’est la liberté qui nous fait connaître la servitude. C’est Dieu qui nous fait connaître le diable. Cette formule familière, même si on ne sait à qui l’attribuer, est peut-être quelque peu désuète, elle est en tout cas d’un usage courant en allemand : « Der Teufel steckt im Detail. » (Le diable est dans les détails.) La formule est équivoque : entend-on par elle que la marque du diable c’est la passion des détails, ou, au contraire, que c’est de ne pas se soucier des détails qui signerait l’influence du diable ? Du reste la formule s’énonce aussi : « Le Bon Dieu est dans les détails ». Cette grande incertitude ne doit pas nous surprendre ; d’abord la polarité va de soi dans un cas aussi radical, tout énoncé sur le diable vise le Bon Dieu, ensuite, l’équivoque du détail peut encore être creusée. Il ne suffit pas de se demander si la marque du diable se reconnaîtrait à une disposition maniaque, mesquine, obsessionnelle, au choix de Lilliput ou bien si ce n’est pas plutôt une disposition grand seigneur, de survol, qui montrerait l’alliance spirituelle avec le diable. extrait d'écrits de Jean-Loup Thébaud, philosophe, membre du comité de Rédaction de la revue Esprit, est l’auteur de Au juste, conversations avec Jean-François Lyotard, Christian Bourgois éditeur, 1979.
0 Comments
Leave a Reply. |
|
Lavernerie - 350 Route de Peyrole
81310 Parisot Tarn, France |
Fixe: 05 63 41 33 71
Mobile: 06 11 98 06 16 |
elisabeth-bazin.fr , Copyright © 2019, Tout droits réservés
|