Parler de la famille suppose de parler d’un objet si « familier », si commun à tous. Cette dimension « familière » – puisque cet adjectif vient du mot famille (en latin familia) – nous prévient aussi que nous allons parler de quelque chose d’intime, qui appartient à notre vie privée, peut-être à notre vie secrète qu’il ne faut pas mettre sur la place publique. La famille est ainsi : publique dans certaines de ses fonctions, privée et secrète dans d’autres. D’emblée écartelée ou, si on le voit positivement, faisant pont entre ces espaces du dedans et du dehors. Ne nous cachons pas le fait que, lorsque nous parlons de famille en général, c’est aussi de la nôtre que nous parlons : la nôtre, la famille où nous avons grandi mais aussi celle que nous aurions aimé avoir et celle que nous regrettons d’avoir subi. Imaginaire et réalité risquent de se mélanger dans cette comparaison consciente ou inconsciente – qui entraîne projections et regrets – entre notre famille réelle et la famille idéale ! En rêve, qui n’a imaginé être l’enfant (abandonné ou volé) d’autres parents ? Première définition évidente : une famille c’est l’ensemble uni que forment les parents et leur enfant. Première définition, premiers problèmes avec ce « Papamamanenfant ». Il faut l’écrire en un mot pour montrer que cela fait un paquet bien serré et bien attaché ! Ensuite, il faudra en détacher les éléments au risque de produire des éléments nouveaux imprévus selon comment on découpe, comme dans l’équation amusante : Famille = le papam + la mamanen + le nenfant ! parfois les « zenfants ». La difficulté sera de savoir où passent les séparations. Pourquoi ? Parce que cet ensemble familial paraît donné d’un coup. On est simultanément parent et enfant. Le parent produit l’enfant, l’enfant produit le parent, pas l’un sans l’autre ! On « est » famille parce qu’on « naît » ensemble. La famille est chargée de mystère parce que c’est « là qu’on naît », avant d’y grandir. Cette définition désigne la famille comme une matrice, un utérus collectif, d’où sortirait chacun de ses membres. Cet « utérisme » familial pose problème, même s’il est toujours un peu vrai. Deuxième définition : La famille est un groupe solidaire d’appartenance, composé de ceux qui vont devoir m’aider sans réfléchir ni calculer. On s’y serre les coudes dans une chaîne d’unions réciproques. Parfois l’ennemi sera tout ce qui est à l’extérieur, comme dans la parabole chauvine, incestuelle, de Le Pen (s’il faut choisir entre ma fille et ma cousine, je choisis…) qui inspire des dictatures paternalistes ! Cette réalité de solidarité se manifeste parfois bien utilement face au chômage ou aux catastrophes, et encore plus dans les sociétés sans sécurité sociale ou économique comme les sociétés sans État et sans droit. Elle montre que ce n’est pas en vain que nous appartenons à une famille, même s’il faudra en payer un prix en retour. Un inconvénient sera l’analogie de la famille avec une « maffia » ? Les maffias réelles étant des familles artificielles élargies. La famille, c’est ma maffia préférée, mais ai-je bien eu le choix ! Troisième définition : la famille, c’est ce qui est écrit sur les faire-part ; faire-part de naissance, de mariage ou de deuil ! Vous avez remarqué tous ces noms qui s’alignent, qui se succèdent dans un ordre calculé. Il faut lire ces annonces d’état civil, elles donnent des photos exactes des familles même si elles sont parfois mensongères. Ainsi, vous ne verrez pas écrit qu’ils sont contents d’être ensemble sur le même faire-part, alors que le testament les oppose ou que la naissance les mécontente. Vous ne verrez pas certains noms, oubliés, comme la dernière concubine du défunt ou les enfants d’un premier mariage. Peut-être faudra-t-il lire une deuxième annonce, publiée à part, ou lire entre les lignes ? Vous y verrez suggérés des absents, défunts soudain remémorés. La famille, c’est aussi cela, cette architecture juridique de vivants et de morts, de ceux qui sont reconnus – légitimes – et de ceux qui n’existent pas, officiellement du moins. 1Génération, solidarité, légitimité sont chacune des facettes de la famille. Dans les familles perturbées, ces facettes seront altérées. Constatons qu’elles s’appliquent dans la famille à trois sortes d’acteurs différents : les ascendants et descendants liés par la génération ; les alliés liés par le mariage ou le contrat ; les germains, frères ou sœurs liés par l’appartenance au groupe familial et à un ancêtre légitime commun. Là aussi, la confusion des places aura des effets perturbants. Extrait d'un article de Serge Vallon
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