Le conformisme (cum : avec, forma : apparence) implique de tendre vers une même forme avec d’autres. Il constitue la caractéristique de ce qu’on appelle la « majorité silencieuse » propre à accepter tous les gouvernements même les pires. Cette majorité n’est pas nécessairement muselée par la terreur, c’est le plus souvent au nom de ses intérêts immédiats qu’elle se conforme et agit dans le sens où on lui dit d’aller. Le conformisme se rapproche sans se confondre de la simple imitation voire de l’identification et tend à l’aliénation. Si l’on va du côté de l’imitation, il s’agit alors d’un trait qui concerne l’aspect extérieur d’un comportement et qui ne dit rien en soi de l’intérieur, des convictions ou même des opinions d’une personne. Aussi le conformiste peut-il être parfaitement hypocrite – le personnage de Tartuffe dans Molière en est le modèle – c’est-à-dire que derrière son attitude extérieure conforme, il n’en pense pas moins et agit à sa guise, quand toutefois il peut se dissimuler. Mais le véritable conformiste veut être semblable et c’est en cela qu’il y est davantage question d’identification. Il rejette ce qu’il pressent en lui-même de possiblement coupable ou non conforme et s’empresse de donner des gages de bonne conduite. Il ne ressent de fait en aucune manière qu’on l’y contraint, c’est lui qui le désire, voire qui s’angoisse si la ressemblance n’est pas suffisante. Aussi a-t-il besoin d’aller plus loin que la simple imitation quant aux manières et aux propos car il lui faut s’assurer de la conformité de sa pensée, de ses opinions et de ses goûts. Un cran au-delà, le sujet n’a même plus le sentiment de se conformer. Il sait spontanément ce qui est bon ou mauvais et agit conformément à ce qu’il pense être ses propres valeurs en toute inconscience du fait qu’elles lui ont été inculquées. Il va sans dire qu’aucune remise en question n’est alors possible. Il est alors aliéné. On ne peut cependant se focaliser uniquement sur celui qui se conforme et c’est aussi celui auquel on se conforme – individu leader ou groupe – de même que les motifs pour lesquels on se conforme qu’il faut envisager. Et de même, les « bénéfices » du conformisme doivent être pris en considération faute de quoi on risquerait de confondre le souci de bienséance avec la soumission à l’autorité. Dans le conformisme extérieur, le sujet agit par complaisance ou politesse, pour ne pas choquer, c’est par exemple le fait de se conformer à un rituel que l’on peut ou non partager mais que l’on va imiter par politesse. Soit parce qu’il aurait honte devant les autres de ne pas leur ressembler, soit parce que sa conformité lui apparaitrait comme pathologique, bizarre, il va faire en sorte de ne dépasser du rang. Le bénéfice attendu est l’approbation du groupe, ou celle de l’autre, mais chacun conserve son droit de penser librement. Mais cette relation n’est pas une relation libre, il s’agit d’une ressemblance obligée qui va s’établir aux dépens de la personne. Lorsque cette relation de ressemblance tend vers une identité et que le conformiste cherche à se confondre avec ceux auxquels il se conforme, on est dans une autre dimension qui est interprétable à partir de la notion d’identification et par exemple un certain conformisme fait partie du processus de subjectivation chez l’enfant et l’adolescent qui veulent ressembler aux autres de leur groupe d’âge. Dans le conformisme par identification, le bénéfice attendu n’est pas l’estime mais l’amour. Le sujet s’identifie à son objet d’amour mais attend que l’objet d’amour lui sache gré de cette identification et l’aime en retour. La gloire narcissique de celui auquel on s’est identifié est supposée s’accroître d’autant. De ce fait, celui qui s’identifie profite de cet accroissement de gloire qu’il partage. Dans le cas de l’identification à un groupe, le sujet en attend une identité en retour. De ce fait, même s’il se trouve en dehors du groupe, il va manifester fortement les caractéristiques identitaires du groupe. Lorsque l’objet d’identification est hautement valorisé, le sujet en intériorise la forme à un point tel qu’il est devenu totalement inconscient d’une quelconque distance à son modèle. Le bénéfice attendu pour le sujet, c’est l’identité, une identité aliénée mais de cela il n’est pas conscient. Ecrits tirés du travail de Sophie De Mijolla-Mellor dans "le conformisme en politique, dans l'éducation et en psychanalyse."
0 Comments
Leave a Reply. |
AuteurElisabeth BAZIN, Archives
March 2025
Categories |
Lavernerie - 350 Route de Peyrole
81310 Parisot Tarn, France |
Mobile: 06 11 98 06 16 |
elisabeth-bazin.fr , Copyright © 2019, Tout droits réservés
|