Lorsqu’il est à notre portée, le désir devient une source d’énergie et non une distraction nocive. Sous l’effet du désir, le regard est concentré, le corps tendu, le ventre serré et l’attente presque douloureuse. Sous celui du plaisir, les muscles se relâchent, le corps s’abandonne, le regard devient flou, le temps se dilue. Ces deux états, si différents, nous les imaginons souvent en tandem. Pourtant, certaines découvertes en neurosciences suggèrent que leurs mécanismes neurologiques ne seraient pas du tout les mêmes ! Les neurones du plaisir dépendent des endorphines. Sécrétées par le cerveau, ces petites molécules dont l’action ressemble à celle de l’opium induisent calme et plénitude, un sentiment de satisfaction avec l’état des choses… d’où le désir est absent. Ce qui complique tout, c’est le bouleversement de l’équilibre entre ces deux systèmes par les stimulations artificielles. Drogue, pornographie, cigarette ou crème glacée court-circuitent en effet l’harmonie entre désir et plaisir. Résultat : le premier grandit tandis que le second diminue. Un gouffre s’ouvre. C’est l’abîme des comportements d’abus, des plus anodins aux plus graves. Le désir dépend de la dopamine, le transmetteur chimique du cerveau qui est le carburant de l’action : l’afflux de dopamine induit en effet un état d’activation du corps et de l’esprit qui prépare à agir. Comme sous l’effet de la cocaïne – qui déclenche elle aussi une bouffée immédiate de dopamine –, cette libération procure une sensation d’énergie et de puissance qui permet alors de s’imposer aux autres et d’obtenir ces "objets du désir" que sont la nourriture, les armes ou le partenaire sexuel. Le désir s’apprécie lorsqu’il a pour objet ce qui est à notre portée et à dose raisonnable. Il est alors une source d’énergie et non une distraction nocive. D’où l’harmonie établie lors de la respiration en méditation par le désir pour la prochaine inspiration et le plaisir de sa réalisation. Tant que nous sommes en vie, ce plaisir-là est disponible. Extraits choisis d'un article "entre désir et plaisir" de David Servan-Schreiber. Trois semaines ou quatorze années, au bout du compte le temps de l’autre c’est celui qui fait trace, celui qui me change, celui qui fait inscription. Mais, en fait, il ne s’agit jamais de l’autre, mais seulement de l’expérience que je fais en sa présence. Aussi, parler du « temps de l’autre » est-il sans doute un peu abusif : seul existe le temps qui me fait être autre en présence d’un autre. Ce qui m’échappera toujours c’est le temps que l’autre fait de moi. Bien entendu, je peux me dire que cette personne avec laquelle j’ai travaillé neuf années durant se souvient sans doute de moi encore aujourd’hui. Oui, mais comment s’en souvient-elle, qui suis-je pour elle dans son souvenir ? extrait d'un écrit de Jacques Blaize dans "L'autre et le temps ou le temps de l'autre." Les besoins relationnels sont souvent globalisés sous le pudique "besoin d’être aimé", comme s’il les recouvrait tous et évitait de les nommer, de les reconnaître. Même s’ils ne sont pas toujours bien identifiés, nos besoins relationnels sont aussi importants que se nourrir, boire, dormir, être en sécurité… Et les satisfaire est tout aussi vital. Quand nous parlons de nos besoins intimes à des proches, nous évoquons le besoin d’être aimé plus fréquemment que celui de pouvoir aimer ou de se respecter. Le besoin d’être aimé est très investi et mis en avant dans les relations familiales, et de plus en plus perçu comme un dû par les enfants et présenté comme allant de soi par les parents. Sa non-satisfaction est considérée comme pouvant porter un préjudice vital à l’équilibre et à l’évolution de celui qui aurait connu la détresse de « ne pas être aimé par ses parents ». Méconnus par trop d’adultes et de parents, les besoins relationnels devraient faire l’objet d’une plus grande attention, afin de veiller à leur satisfaction. Ils sont à la source de l’estime de soi et liés à la capacité à s’aimer, donc à la possibilité d’aimer, en étant moins dépendant du besoin, voire de l’exigence, d’être aimé. J’aimerais rappeler quelques-uns de ces besoins, indispensables à notre santé relationnelle, et inviter chacun à se confronter à la façon dont ils ont été entendus et comblés (ou niés) dans l’enfance, dont ils sont aujourd’hui reconnus et satisfaits (ou méconnus et insatisfaits). En premier lieu, le besoin de se dire, c’est-à-dire de pouvoir passer de l’impression ("in") à l’expression ("out"), de pouvoir mettre des mots sur son ressenti, ses sentiments, ses émotions ou les idées qui nous traversent… Le besoin d’être entendu, c’est-à-dire avoir le sentiment que ce que j’ai dit n’est pas tombé dans le vide, ne s’est pas perdu, n’est pas nié, déformé ou récupéré, mais est bien arrivé jusqu’à l’autre, le destinataire que j’ai choisi. Le besoin d’être reconnu, d’être vu et reconnu tel que je suis, et non tel que l’autre me voudrait ou imagine que je suis. Le besoin d’être valorisé, c’est-à-dire pouvoir ressentir que j’ai une valeur, que l’on compte sur moi, que je représente quelque chose d’important pour les personnes significatives de ma vie. Ecrits de Jacques Salomé Notre capacité à nous illusionner sur le monde a été constitutive de notre développement psychique. Illusions et désillusions se sont succédé non seulement pour permettre une juste appréhension de la réalité, mais surtout pour donner un espoir de la changer, de la transformer. La dimension winnicottienne du secret est primordiale, l’aire d’illusion. Illusion non pas au sens de tromperie mais dans le sens de création d’un espace permettant de créer du plaisir, de donner une consistance au monde dépassant sa réalité brute, de lui donner son propre sens. Cette aire permet la mise en place d’une illusion propre à l’homme, propre à sa démarche créatrice, symbolique, à sa relation au monde. L’individu peut transformer la réalité pour se la rendre supportable, distordre les événements vécus ou subis pour pouvoir les assimiler ou pour pouvoir les partager. L’environnement premier du bébé puis de l’enfant est essentiel pour la vision et la connaissance du monde qu’il développera dans son futur. Cette liberté de pensée marque un passage décisif, celui de créer soi-même son propre sens des choses et du monde. Cette charge n’incombe plus à l’environnement : libre à soi désormais de choisir son propre destin, sa propre histoire. La capacité à imaginer, illusionner le monde tel que le bébé le désire lui permet d’utiliser de mieux en mieux son environnement. Des cris, des sourires, des gestes pour s’exprimer, mieux se faire comprendre, des paroles bientôt. L’enfant joue désormais avec l’absence en symbolisant l’absent. Ce gain d’indépendance par rapport à l’environnement est vital pour le psychisme de l’enfant. Le plaisir qu’il en tire est celui de la pensée secrète, séparée. Car cette pensée s’enrichit maintenant de tout ce qu’il perçoit comme séparé de lui, notion présente dans l’une des étymologies latines du mot « secret », secernere, qui signifie… séparer. Le nom commun « secret » vient du latin secretum, l’adjectif vient de secretus, participe passé du verbe secerno qui signifie séparer, mettre à part. De plus le verbe cerno dont il est issu a plusieurs sens qui renvoient tant sur le plan concret que sur le plan figuré à la notion de tamiser, de séparer le bon grain, de trier. Cerno a donné aussi discerner, distinguer le vrai du faux, trancher, juger, mais aussi excrétion (excerno), excrément, déchet et bien sûr sécrétion (secerno) (Lévy, 1976). Cette double valence étymologique du mot secret met donc en opposition ou en tension deux notions : garder le bon et évacuer le mauvais. Ainsi la sécrétion concerne des substratums physiologiques indispensables au bon fonctionnement du corps ; l’excrétion, le rejet du mauvais, des déchets, des substances toxiques ou inutiles. Le secret que l’on tait à autrui est un moyen permettant de porter un regard sur soi, en soi. C’est l’une des premières fonctions du secret : une protection favorisant la construction du Soi, à l’abri des regards. À l’abri des regards en raison de la jouissance secrète qu’éprouve l’enfant à manipuler sa propre pensée. Extrait du livre "Eloge des secrets : illusions, soi et transformation." de Pierre Levy-Soussan page 119. Cette phrase m'a fait penser au livre de Nancy Huston que vous devez connaître certainement : " Lignes de Failles." En voici le résumé trouvé sur Babelio : "Entre un jeune Californien du XXIe siècle et une fillette allemande des années 1940, rien de commun si ce n'est le sang. Pourtant, de l'arrière-grand-mère au petit garçon, chaque génération subit les séismes politiques ou intimes déclenchés par la génération précédente. Monstrueuses ou drôles, attachantes ou désespérées, les voix de Sol, Randall, Sadie et Kristina - des enfants de six ans dont chacun est le parent du précédent - racontent, au cours d'une marche à rebours vertigineuse, la violence du monde qui est le nôtre, de San Francisco à Munich, de Haïfa à Toronto et New York. Quel que soit le dieu vers lequel on se tourne, quelle que soit l'époque où l'on vit, l'homme a toujours le dernier mot, et avec lui la barbarie. C'est contre elle pourtant que s'élève ce roman éblouissant où, avec amour, avec rage, Nancy Huston célèbre la mémoire, la fidélité, la résistance et la musique comme alternatives au mensonge. Qui n’a jamais entendu des remarques du type : « Fais attention en traversant la rue », « Est-ce que je vous pourrais avoir votre attention ? », « Concentre-toi un peu ! » ? Ces expressions très familières renvoient à différentes formes d’un même processus cognitif, d’une fonction cognitive qui sous-tend beaucoup de nos activités quotidiennes : l’attention. L’attention est un sujet qui a intéressé les chercheurs en psychologie dès la fin du xixe siècle : Théodule Ribot en 1889, William James en 1890. L’intérêt pour ce processus cognitif a ressurgi avec l’avènement de la psychologie cognitive dès la seconde moitié du xxe siècle, avec par exemple Colin Cherry en 1953 et son célèbre Cocktail party effect ou bien Donald Broadbent en 1958 avec la modélisation de l’attention comme d’un filtre qui sélectionne une partie du message ambiant. Depuis l’intérêt n’est pas retombé. Par exemple en interrogeant la base de données PsycInfo à partir du mot clé « attention », 290 389 écrits scientifiques sont affichés par le moteur de recherche sur la période 1950-2020 (requête effectuée le 29 octobre 2019). Extrait du chapitre 4 de "L'introduction à la psychologie cognitive" (2020) en page 85, écrit par Alain Lieury et Laure Léger. Dans ce processus de découverte de soi, nous prenons conscience de schémas dans lesquels nous nous sommes enfermés, d’injonctions auxquelles nous nous sommes soumis, de rêves ou d’idéaux que nous nous sommes imposés, de loyautés parentales ou transgénérationnelles que nous avons entretenues.
Devenir soi, c’est accepter de lâcher ses loyautés, de ne pas rester conformes à ce que nous pensons que nos parents attendent de nous, de bousculer l’image que nous avons de nous-mêmes et celle que les autres ont de nous afin de trouver notre propre voie de réalisation. |
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